🐐🐑 Les chĂšvres et les moutons en permaculture tropicale : entre risques et richesses pour nos Ă©cosystĂšmes

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Stéphane Walger

“Un champ sans animaux est un champ malade” disait Bill Mollison, le cofondateur de la permaculture. En Afrique de l’Ouest, les animaux ont toujours accompagnĂ© les champs, les villages et les forĂȘts. Parmi eux, les chĂšvres et les moutons occupent une place particuliĂšre : ils nourrissent les familles, fournissent du fumier pour les jardins et participent Ă  l’entretien des paysages.

À la Ferme AmĂ©nopĂ©, nichĂ©e sur les pentes verdoyantes du Mont Agou, nous explorons comment ces animaux, souvent perçus comme destructeurs, peuvent devenir des alliĂ©s prĂ©cieux dans un design permaculturel.

đŸŒ± Les risques : le spectre du surpĂąturage

L’un des principaux dĂ©fis avec les chĂšvres et moutons au Togo, c’est le surpĂąturage.

  • ChĂšvres : elles broutent tout, y compris l’écorce des jeunes arbres. Si elles ne sont pas gĂ©rĂ©es, elles peuvent transformer un terrain fertile en sol nu et dur comme du bĂ©ton.

  • Moutons : ils prĂ©fĂšrent l’herbe basse, mais en pĂąturant trop longtemps au mĂȘme endroit, ils tassent le sol et dĂ©truisent les jeunes pousses.

Comme le souligne Claude Bourguignon : « Un sol nu, battu par la pluie, perd en quelques heures ce que la nature a mis des siÚcles à créer ».
Le surpĂąturage, combinĂ© aux pluies intenses des tropiques, entraĂźne Ă©rosion, perte d’humus et dĂ©sertification – un phĂ©nomĂšne que connaĂźt bien l’Afrique de l’Ouest.

Les atouts : des alliés pour la fertilité et la régénération

Bien gérées, les chÚvres et les moutons deviennent de véritables partenaires écologiques :

  1. Fertilisation vivante

    • Une chĂšvre produit en moyenne 1,5 Ă  2 kg de fumier par jour, riche en azote, phosphore et potassium.

    • Ce fumier, compostĂ© avec des feuilles de bananier ou du BRF (bois ramĂ©al fragmentĂ©), nourrit les buttes de permaculture.

    • RĂ©sultat : des sols plus riches, plus sombres et plus vivants.

  2. Gestion des adventices

    • Les moutons entretiennent les couverts herbacĂ©s, Ă©vitant l’usage de dĂ©broussailleuses.

    • Les chĂšvres, grandes amatrices de lianes et de broussailles, nettoient les zones de haies vives et les terrains difficiles d’accĂšs.

  3. Création de microclimats

    • Le pĂąturage sous les arbres fertilitaires (comme le gliricidia ou le nĂ©rĂ©) permet de maintenir un couvert vĂ©gĂ©tal diversifiĂ©, tout en profitant de l’ombre et de la litiĂšre.

  4. Diversification économique

    • Viande, lait, peaux, fumier
 Les chĂšvres et moutons offrent plusieurs produits et services.

    • Pour une ferme permacole comme AmĂ©nopĂ©, c’est un moyen de sĂ©curiser les revenus en ne dĂ©pendant pas d’une seule culture.

🌳 Les chùvres et moutons gardiens des haies vives

Les haies vives servent de clĂŽture naturelle et de rĂ©serve de biomasse. Mais elles ont besoin d’entretien.

  • Les chĂšvres se rĂ©galent des repousses de Gliricidia sepium et d’Albizia lebbeck, Ă©vitant que les haies deviennent trop denses.

  • Les moutons, eux, gardent les abords propres, ce qui limite la prolifĂ©ration de serpents et de parasites.

À la Ferme AmĂ©nopĂ©, nous faisons tourner nos petits troupeaux en pĂąturage tournant : chaque zone est broutĂ©e 2 Ă  3 jours, puis laissĂ©e au repos pendant plusieurs semaines. Cela permet au sol de se rĂ©gĂ©nĂ©rer et aux haies de repousser.

Techniques de gestion en contexte tropical

  1. PĂąturage tournant (rotational grazing)

    • Diviser les pĂąturages en parcelles.

    • DĂ©placer les animaux rĂ©guliĂšrement (tous les 2–5 jours selon la saison).

    • Reposer le sol au moins 30 Ă  45 jours avant un nouveau passage.

  2. Association avec l’agroforesterie

    • Planter des arbres fourragers (leucaena, moringa, prosopis) dans ou autour des parcelles.

    • Offrir de l’ombre et diversifier l’alimentation des animaux.

  3. Protection des jeunes plants

    • Utiliser des cages en bambou ou des haies de protection autour des jeunes arbres pour Ă©viter que les chĂšvres ne les broutent.

  4. Complémentation

    • Pour Ă©viter que les animaux ne “s’acharnent” sur les cultures, prĂ©voir un apport de rĂ©sidus agricoles (feuilles de manioc sĂ©chĂ©es, coques de cacao compostĂ©es).

Conclusion : l’art de la juste mesure

Les chĂšvres et les moutons ne sont pas des ennemis de la permaculture, bien au contraire. Ils nous rappellent que l’équilibre se crĂ©e dans la rĂ©gulation, pas dans l’exclusion.

À la Ferme AmĂ©nopĂ©, nous avons choisi de travailler avec eux, pas contre eux. Les chĂšvres nettoient, les moutons tondent, les deux fertilisent
 et tout le systĂšme gagne en autonomie.

Comme le disait Masanobu Fukuoka : « L’agriculteur qui observe et accompagne la nature a moins Ă  travailler que celui qui la combat ».

Alors, et si la prochaine clÎture vivante de ton champ devenait aussi la cantine préférée de tes chÚvres ?

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