Accumulateurs dynamiques et engrais verts : booster la fertilité des sols tropicaux du Togo

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Stéphane Walger

Ferme Aménopé Togo
Ferme Aménopé Togo

L’agriculture tropicale souffre souvent de sols appauvris et de fortes pluies lessivantes. En permaculture, l’un des moyens de maintenir la fertilité est d’utiliser des plantes accumulatrices dynamiques et des engrais verts, qui captent des nutriments et les restituent au sol sous forme de matière organique. Cette stratégie a récemment attiré l’attention des scientifiques, mais elle est déjà pratiquée dans de nombreuses fermes, y compris à Aménopé.

Qu’est‑ce qu’un accumulateur dynamique ?

Le terme « dynamic accumulator » se réfère à des plantes qui concentrent certains nutriments dans leurs tissus. Le site Permaculture Plants explique qu’il s’agit souvent de plantes à racine pivotante profonde qui exploitent des nutriments inaccessibles aux cultures superficielles et les remontent vers la surface. Ces plantes peuvent ensuite être utilisées en paillage, en compost ou en purin pour fertiliser les cultures. Bien que le concept soit encore en cours de définition scientifique, des études montrent qu’il peut contribuer au bouclage des cycles de nutriments et maintenir des systèmes vigoureux.

L’article précise toutefois un point crucial : ces plantes ne créent pas de nutriments ex nihilo. Elles se contentent de concentrer les éléments déjà présents dans le sol ; leur efficacité dépend donc de la fertilité de base. Les chercheurs rappelent que les concentrations en nutriments des accumulateurs dynamiques sont relatives à la teneur du sol et qu’ils ne remplaceront pas l’apport initial de fertilité. Il s’agit donc d’une pratique complémentaire, à associer à des apports de compost, de fumier ou de biochar.

Tithonia diversifolia : l’or vert des engrais verts

La tithonia ou tournesol mexicain est un exemple emblématique d’accumulateur dynamique et d’engrais vert. Cette vivace tropicale est capable de produire plusieurs tonnes de biomasse par hectare et pousse même sur des sols pauvres et secs. Une analyse comparative de biomasses publiée par Permaculture Plants montre que la tithonia contient 1,76 à 3,50 % d’azote, 0,37 à 0,82 % de phosphore et 3,92 à 4,10 % de potassium, des valeurs similaires ou supérieures à celles du fumier bovin pour N et K. Ainsi, elle constitue un excellent engrais vert ; après coupe et décomposition, ses nutriments sont restitués aux cultures vivrières.

Pour intégrer la tithonia à une ferme :

  • Propagation : on la multiplie par boutures de 50‑100 cm. Le bois tendre enracine plus rapidement mais résiste mieux aux termites que le bois lignifié. Ces boutures espacées d’un mètre permettent de créer des haies ou des bandes brise‑vent productrices de biomasse.

  • Récolte : on coupe régulièrement les tiges pour éviter qu’elles ne s’écroulent et pour utiliser le feuillage frais comme paillage. Le site recommande de privilégier les parties tendres, plus riches en nutriments et moins susceptibles de s’enraciner. Les tiges ligneuses peuvent être compostées ou utilisées comme combustible.

  • Utilisations secondaires : la tithonia constitue aussi un fourrage pour les ruminants et une source de nourriture pour les volailles. Ses fleurs attirent de nombreux pollinisateurs et contribuent à la biodiversité des cultures.

Autres plantes accumulatrices pour l’Afrique de l’Ouest

Outre la tithonia, plusieurs espèces peuvent jouer le rôle d’accumulateur dynamique ou d’engrais vert :

  • Vétiver (Vetiveria zizanioides) : connu pour stabiliser les berges et stopper l’érosion, son feuillage accumule du silicium et du potassium. Il sert de paillage et d’élément structurant dans les haies vives.

  • Comfrey (Symphytum spp.) : plante herbacée riche en calcium, potassium et silice, souvent utilisée en purin ou en paillage. Des essais menés sur des fermes ont montré que le consoude dépasse les seuils d’accumulation de nutriments même sur sols pauvres.

  • Leuzanea leucocephala et gliricidia : ces légumineuses tropicales fixent l’azote atmosphérique et fournissent un feuillage riche en protéines pour les animaux. En les coupant régulièrement (système « chop‑and‑drop »), on restitue cet azote au sol.

  • Urtica dioica (ortie) et Chenopodium album (chénopode blanc) : bien que considérées comme des « mauvaises herbes », ces plantes ont montré lors d’études qu’elles concentraient fortement le potassium et le phosphore. Elles constituent des ingrédients précieux pour les composts ou les purins.

Intégration des accumulateurs dynamiques dans le design permaculturel

Les engrais verts et accumulateurs dynamiques s’intègrent dans plusieurs zones :

  • Bandes de culture syntropique : en plantant une rangée de tithonia ou de gliricidia au milieu des cultures, on crée un apport constant de biomasse à hacher et laisser sur place. Cela supprime le désherbage, maintient l’humidité et nourrit les plantes.

  • Compostage in situ : les feuilles de consoude ou de tithonia sont coupées et déposées directement au pied des cultures maraîchères. La décomposition rapide libère les nutriments et stimule la vie microbienne.

  • Purin fermenté : feuilles d’ortie ou de consoude mises à macérer dans de l’eau pendant quelques semaines. Le liquide fertilisant obtenu est appliqué sur les cultures au stade végétatif pour booster la croissance.

La philosophie de la permaculture insiste sur la diversité : un sol vivant est nourri par différentes sources de matière organique et non par une unique plante. Les accumulateurs dynamiques complètent donc les apports de compost et les rotations de cultures et s’associent aux légumineuses et aux arbres fixateurs d’azote. Ils ne sont pas une recette miracle mais un outil puissant dans la boîte à outils du cultivateur tropical soucieux de régénérer ses sols

Vers une autonomie fertilisante

Les plantes accumulatrices et engrais verts permettent de boucler les cycles de nutriments à l’échelle locale, réduisant la dépendance aux engrais importés et aux intrants chimiques. Pour les fermes togolaises comme Aménopé, l’implantation de tithonia et de consoude, combinée aux haies vives et aux techniques de compostage, offre une solution écologique pour restaurer la fertilité. À plus grande échelle, encourager la plantation de ces espèces dans les pays d’Afrique de l’Ouest contribuerait à séquestrer le carbone et à rendre l’agriculture plus résiliente.

En expérimentant et en partageant les résultats, la communauté permacole bâtit une base scientifique permettant de mieux comprendre les accumulateurs dynamiques. Nul doute que le Togo et l’Afrique tropicale joueront un rôle clé dans cette recherche, car les espèces locales comme le sesbania, le moringa ou la cajanus n’ont pas encore livré tous leurs secrets.

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